pursuit- 2010
photographies | texte | écrits
J’ai réalisé ce travail en me rendant aux Etats-Unis chaque année entre 2003 et 2009, pour des séjours allant de quelques semaines à quelques mois. Pursuit est le fruit de beaucoup de temps, du hasard et de la complicité de ceux qui m’ont accordé leur confiance en m’accueillant dans le périmètre de leurs vies privées.
Bien que sensible à l’héritage d’une photographie américaine purement documentaire, telle la Farm Security Administration de la Grande Dépression, j’ai voulu donner un regard sur les États-Unis d’aujourd’hui plus proche de mon imaginaire que du photojournalisme. Pursuit mêle ainsi portraits frontaux et scènes prises sur le vif, avec pour finalité l’envie de suggérer plutôt que de décrire. J’ai cherché dans le quotidien vécu de l’intérieur un sens qui dépasse l’anecdotique, le spectaculaire, qui dépasse même peut-être la dimension exclusivement américaine du travail.
Prenant comme fil conducteur la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis qui mentionne le droit de chacun « à la vie, la liberté et la poursuite du bonheur », j’ai choisi de m’intéresser à deux Amériques. Celle de la middle-class qui vit le « rêve américain » tel qu’universellement admis et celle des « petites gens » en marge de ce mirage qui vivent dans leur mobile home à jamais immobile, l’Amérique qui peuple les nouvelles de Raymond Carver.
À l’aide de procédés classiques (rencontres fortuites, recours à un « fixeur ») et d’outils actuels (réseaux sociaux) je me faisais inviter pendant quelques jours. Je m’imprégnais ainsi de chacune des histoires individuelles, partageant le quotidien de ceux qui m’accordaient leur confiance dans le huis clos de leurs demeures. Inévitablement, la frontière entre distance et intimité rendait incertaine, mais pleinement assumée, ma position initiale de simple spectateur.
Parallèlement au travail photographique, je décidais de retranscrire la chronique de ces rencontres, rassemblées dans un recueil. Avant les images de Pursuit il y a les mots, ceux de la littérature qui a alimenté mon « imaginaire américain ». Les mots de Please, Come Again donnent à voir des images. Celles qui atteignent les limites de la photographie : les histoires des protagonistes de ce travail, le making of de nos rencontres, le hors champs de ces bouts de vies partagés.